Expansion et Ancrage : Les Vāyus dans la Pratique des Extensions

Jan 25 / Philippe Boucher
Crédit photo : Laurie Suzor-Pleau - OLIVE, Photographie & Rédaction web
C’est prāṇa qu’il/elle doit conquérir en premier ; une fois prāṇa conquis, l’esprit est maîtrisé ; une fois l’esprit maîtrisé, le coeur est apaisé. On doit visualiser prāṇa avec apāna dans le bassin ; prāṇa avec samāna autour du nombril ; prāṇa avec udāna dans la gorge ; prāṇa avec vyāna [le visualiser] partout dans le corps.
—Niśvāsatattvasaṃhitā Nayasūtra 4.119–33. le souffle.
Texte du début du tantra situé entre le 6e et 10e siècle.

Un projet d'exploration intérieure

La pratique du yoga repose sur l’harmonie entre les forces opposées et complémentaires qui agissent en nous. Parmi ces énergies subtiles, prāṇa et āpāna occupent une place centrale. Prāṇa symbolise l’énergie ascendante, l’expansion et l’ouverture, tandis que āpāna incarne l’énergie descendante, l’ancrage et la stabilisation. Leur équilibre est essentiel, non seulement pour maintenir la santé physique et mentale, mais aussi pour naviguer avec fluidité et sécurité dans les postures exigeantes, comme les extensions arrière (extensions)… Les « extensions » pour la suite.

Mais d’où viennent ces concepts ? Quelle est leur place dans l’histoire du yoga, et comment influencent-ils notre pratique moderne ? Avant de plonger dans les aspects pratiques, faisons un voyage dans le temps pour explorer leurs origines et leur évolution.

Contenu de l'article

Les Vāyus dans l’Histoire : Du Vent Divin au Souffle Vital

De leur origine au XXIIe siècle avant J.-C. jusqu'à la fin de l'époque médiévale.

Approche contemporaine : Le souffle et l’énergie subtile

Je pose la question de la pertinence de telles pratiques encore aujourd'hui. Si oui, comment les utiliser ?

Prāṇa et Āpāna : Leurs Rôles dans les Extensions

Voici quelques façons de faire dans le cadre d'une pratique d'extension.

Bonus pour votre imagination

Je suis sur qu'il y a une belle méditation à faire avec ce texte...

Prāṇa et Āpāna : Leurs Rôles dans les Extensions

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Source : Peinture à la gouache sur papier d'un portfolio de soixante-trois peintures de divinités et de la vie quotidienne. Vāyu, le gardien du nord-ouest, chevauchant une gazelle. Vāyu porte un drapeau dans sa main droite supérieure et un gada (mace) dans sa main gauche supérieure. Sa main droite inférieure est en abhaya et sa main gauche inférieure est en varada mudra. La divinité est accompagnée de deux assistants à pied. Celui qui le précède porte une massue et l'autre le suit en portant un parasol. Circa année 1820. Peinture de la collection du British Museum de Londre.

Vāyu dans les Védas : Du mythe à l’énergie vitale

Dans le Rig Veda (1500-1200 av. J.-C.), Vāyu est considéré comme une divinité majeure. Il est décrit comme né du souffle de Vishvapurusha, l’Être Inégalé. Premier à goûter le soma, le nectar sacré de l’immortalité, il est perçu comme un dieu puissant et insaisissable, voyageant dans les cieux sur un char lumineux tiré par des chevaux blancs ou pourpres. C'était pas n'importe qui !

Ces images poétiques traduisent quand même une observation naturelle : le vent est omniprésent, insaisissable et indispensable à la vie. La personnification de Vāyu dans les Védas reflète une tentative de donner un sens à cette force essentielle, en lui attribuant des qualités à la fois physiques (mouvement, souffle) et métaphysiques (connexion entre ciel et terre).

Transition philosophique : Vāyu devient Prāṇa

Avec les Upanishads (800-400 av. J.-C.), la vision de Vāyu évolue vers une compréhension plus abstraite. Ici, il n’est plus simplement le vent extérieur, mais le souffle vital intérieur, appelé Prāṇa. Cette transition marque un passage important : ce qui était perçu comme un phénomène naturel est désormais interprété comme une force subtile qui soutient la vie.


Les textes racontent que Prāṇa est la source de toutes les autres fonctions corporelles, surpassant même la vue ou l’ouïe. Une histoire célèbre de la Brihadaranyaka Upanishad illustre cette idée : quand Prāṇa quitte le corps, toutes les autres fonctions (vision, ouïe, etc.) cessent d'être. Cette observation souligne l’importance centrale du souffle dans la vie biologique.

Le Hatha Yoga : L'âge d'or des pratiques pour manipuler le prāṇa

L'Atharva Veda (c. 1000 av. J.C.) répertoriait déjà cinq vents corporels : prāṇa, apāṇa, vyāṇa, samāṇa et udāṇa (10.2.13). Un millénaire plus tard, les pratiques du Tantra et du Hatha Yoga ont approfondi l’exploration du souffle vital (Prāṇa qui deviendra progressivement la Kundalini), en développant une cartographie énergétique du corps subtil.

Ces perceptions reflètent une tentative d’expliquer les phénomènes vécus dans la pratique et dans l’expérience générale d’être simplement vivant.e. 

Voici comment les yogis décrivaient ces cinq vāyus :
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Approche contemporaine : Le souffle et l’énergie subtile

Aujourd’hui, je crois qu’on peut utiliser ces images des vayus comme outils d’exploration intérieure. Je crois (je vous donne donc bin mon opinion !) que ça n’est pas tout le monde qui répond bien à toutes ces consignes très musculosquelettiques.

Ces images regroupent un ensemble de mouvements coordonnés. Par exemple si la consigne est : « Soyez fière/fier ! » Vous le sentez ce qui se produit. Tout le corps répond et nous avons besoin d'un minimum de consignes pour une maximum de mouvements/actions. Alors, ce que les anciens yogis appelaient Prāṇa et Āpāna peut être aujourd'hui compris comme des métaphores qui englobent des sensations corporelles accompagnées de leurs ensembles de mouvements et d'actions :

  • Prāṇa, l’énergie ascendante, peut être associée à l’inspiration, à l’activation du système nerveux sympathique (éveil), et à l’expansion.
  • Āpāna, l’énergie descendante, se rapproche de l’expiration, de l’apaisement via le système parasympathique, et de l’ancrage.

C’tu encore pertinent ?

Bin peut-être. Ces enseignements anciens sont de très belles métaphores de notre équilibre intérieur. Vāyu n’est plus le dieu du vent, mais une représentation de cette expérience qu’est la vie. Dans la pratique des extensions, par exemple, cet équilibre entre Prāṇa et Āpāna devient une clé pour explorer la relation entre expansion et ancrage, autant dans le corps que dans la tête.

Dans la section suivante, je vous présente comment ces concepts peuvent se traduire dans une pratique concrète, où le souffle et l’énergie travaillent ensemble pour transformer chaque posture en une expérience harmonieuse et de sécuritaire.

Prāṇa et Āpāna : Leurs Rôles dans les Extensions

Comprendre les énergies subtiles

Prāṇa : L’énergie ascendante

Fonction : Stimule l’ouverture, l’inspiration et l’expansion.

Localisation : Haut du corps (cœur, poumons, poitrine).

Dans les extensions : S’exprime par l’allongement de la colonne, l’ouverture thoracique et la montée du sternum.

Āpāna : L’énergie descendante

Fonction : Stabilise, ancre et protège.

Localisation : Bas du corps (bassin, jambes, coccyx).

Dans les extensions : Protège le bas du dos, stabilise le bassin, ancre les pieds et enracine les fémurs pour un aplomb imperturbable.

L’importance de leur équilibre

Les extensions stimulent naturellement prāṇa, apportant une sensation d’ouverture et d’expansion. Cependant, un excès de prāṇa sans le soutien de āpāna peut entraîner des déséquilibres :

Physiques : Hyperextension lombaire, tensions cervicales ou manque d'aplomb dans les jambes.

Psychologiques : Sensation de flottement, d’agitation mentale ou de fébrilité.

Lorsque prāṇa et āpāna travaillent ensemble, les extensions deviennent une pratique sécuritaire et équilibrée, combinant légèreté et stabilité.

Application pratique

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Voici une courte animation pour vous présenter un exemple dans une posture en extension : le chameau. Cet exemple est transposable dans toutes les postures en extension.

Bonus pour votre imagination

Le Vrātya, qui, comme le sage aux cheveux longs, existe en marge de la société védique dominante, mentionne des pratiques qui pourraient être des précurseurs des techniques yogiques ultérieures de postures et de rétention du souffle :

Le Vrātya possède sept souffles ascendants (prāṇa) et sept souffles descendants (apāna) […].

Prāṇa
Son premier souffle ascendant est appelé « inégalé ». Il est le feu.
Son deuxième souffle ascendant est appelé « pleinement développé ». Il est le soleil.
Son troisième souffle ascendant est appelé « intimité ». Il est la lune.
Son quatrième souffle ascendant est appelé « présence ». Il est l’air.
Son cinquième souffle ascendant est appelé « source ». Il est l’ eau.
Son sixième souffle ascendant est appelé « consort ». Ce sont nos semblables, nos proches.
Son septième souffle ascendant est appelé « illimité ». Ce sont tous les êtres.

Apāna
Son premier souffle descendant correspond au moment de la pleine lune.
Son deuxième souffle descendant correspond au huitième jour après la pleine lune.
Son troisième souffle descendant correspond au moment de la nouvelle lune.
(Je sais pas pourquoi, mais c'est un de mes bouts préférés... avec la lune, ancré dans le vrai on dirait... je sais pas)
Son quatrième souffle descendant est la confiance.
Son cinquième souffle descendant est l’engagement.
Son sixième souffle descendant est la générosité.
Son septième souffle descendant correspond à la gratitude.
Atharva Veda – (c. 1000 av. J.-C.). Chap. 15. Lignes 16–17 : Les souffles du Vrātya

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